La génération Y (1980 - 1994) est arrivée sur le marché du travail en plein essor du numérique. A tel point qu’on l’ appelle les “Digital Natives”: c’est la génération qui utilise les différents outils High Tech de manière naturelle et spontanée. Internet n’a pas de secret pour elle, les réseaux sociaux font partie de son quotidien et elle a connu les smartphones très jeune.
Les individus de la génération Y ont vu leurs parents s’investir toute leur vie dans leur travail. Finalement ils ont parfois été licenciés à l’approche de l'âge de la retraite, ont dû affronter le chômage et un marché de l’emploi de plus en plus compétitif pour terminer leur carrière par 3 ans de chômage.
De leur côté, les individus de la génération Y sont entrés sur le marché du travail en ayant des difficultés à trouver un stage par “manque d’expérience”, puis ont eux-mêmes (ou leur amis) enchaîné les CDD ou des intérims à répétition. C’est dans ce contexte qu'évolue la génération Y, et cela explique son manque de confiance en l’entreprise, une aspiration forte à l’entreprenariat et à l’indépendance.
Les individus de la génération Y veulent trouver un équilibre dans la gestion de leur temps entre l’activité professionnelle, la vie familiale, les loisirs et le développement personnel. Ils ne veulent sacrifier aucun de ces aspects. L’entreprise,qui souhaite les fidéliser, doit offrir un cadre de travail qui correspond à cet équilibre et dans cet optique, le télétravail pourrait être une réponse possible, comme nous le verrons par la suite.
Parallèlement à ce phénomène de “génération Y”, les jeunes de cette génération, ayant choisi de devenir informaticiens, vivent pendant leurs études une période au cours de laquelle l’e-commerce en France prend de plus en plus de place. Très vite, chaque enseigne a besoin d’avoir son site e-commerce pour survivre. La demande de développeurs web sur le marché du travail explose.
Le développement des technologies mobiles amplifie le phénomène. Du e-commerce (shopping depuis son PC) on passe au m-commerce (shopping depuis son mobile), puis à l’omni-commerce (ie. avoir une expérience de shopping complémentaire depuis n’importe où: magasin, borne, pc, tablette, téléphone…). Chaque enseigne a alors bien intégré que sa stratégie numérique est importante pour sa survie et le recrutement dans cette filière devient très important. La demande sur le marché du travail est alors très forte pour des profils de type “développeur”. Il n’y a pas assez de candidats disponibles sur le marché.
Cette position de force, permise par l’offre et la demande,[9] permet aux développeurs de pouvoir “sélectionner” l’entreprise pour laquelle ils vont pouvoir travailler. Il existe une concurrence forte entre les recruteurs (voir l’annexe 4) pour attirer ces profils et les développeurs sont très exigeants lorsqu’il s’agit de choisir une entreprise. Mais alors quel profil ont les développeurs en France en 2019 ?
StackOverflow est un site d’échanges entre développeurs qui permet de poser des questions et d’avoir des réponses sur des sujets souvent techniques; Sorte de plateforme d’aide sous forme de questions/réponses. Ce site est utilisé par la majorité des développeurs en France et dans le monde. StackOverflow réalise chaque année un sondage ayant pour but d’étudier le marché des développeurs et leurs habitudes. En 2019, un échantillon d’environ 90,000 développeurs a répondu à cette enquête dans le monde. Nous nous baserons sur ces chiffres pour cette étude.
Le milieu du développement web est principalement masculin. En effet, 91.7% des développeurs sont des hommes.
La majorité des développeurs est issue de la génération Y. En effet, 66% des développeurs ont entre 25 et 39 ans, ce qui correspond plus ou moins à la génération Y.
Recruter des développeurs, c’est donc, pour plus de la moitié des candidats potentiels, cibler la génération Y, celle-là même qui recherche de l’indépendance, qui n’a pas confiance en l’entreprise et qui valorise beaucoup sa qualité de vie.
50% des développeurs travaillent dans le web (DevOps, Développeur frontend ou backend, ils feront généralement partie d’un même projet et travaillent ensemble). Pourtant la demande est toujours plus forte que l’offre car la digitalisation des entreprises touche tous les secteurs d’activités et la demande est énorme.
Les développeurs ont principalement moins de 10 ans d’expérience, En effet, 40% ont moins de 5 ans d’expérience en tant que développeur et 68% ont moins de 10 ans d’expérience. Sachant que cette durée représente le début de sa carrière en tant que développeur et qu’en général, un développeur change régulièrement de technologie, cela peut expliquer en partie pourquoi trouver des développeurs expérimentés sur une technologie spécifique peut s’avérer difficile.
Les développeurs sont principalement issus d’une filière universitaire. 72% ont une Licence ou plus. 27% de ces 72% ont au minimum un Master. Mais 11% des développeurs ne sont pas allés à l’université. Ceci révèle un marché dans lequel les individus peuvent se former et entrer s'ils sont passionnés. On croise régulièrement des autodidactes (bien que la progression en terme salariale de ces derniers soit plus lente par rapport à leurs collègues sortis d’universités ou d’écoles d’ingénieurs).
Depuis 3 ans, un nouveau type de parcours pour devenir développeur a vu le jour. Certains développeurs n’ont pas étudié l’informatique à l’université mais ont une licence ou un master dans un autre domaine. Après quelques années d’expérience professionnelle et souvent un peu de chômage, ils décident de se reconvertir via des formations de plusieurs semaines dans le cadre d’une POEI (préparation opérationnelle à l’emploi individuel). C’est le cas par exemple de CapGemini qui propose une formation de 22 semaines en partenariat avec une école d’ingénieurs dans le but d’effectuer environ 250 recrutements en 2018 via cette voie.
Les développeurs ont conscience qu’ils vont devoir se former tout au long de leur vie. En effet, la technologie évolue sans cesse , et leur travail évolue avec elle. 90% déclarent s'être formés par eux-mêmes et 60% ont suivi une formation en ligne (MOOC) en 2019.
70% se disent satisfaits de leur travail et seulement 15% se disent en recherche active d’emploi. Pourtant, changer régulièrement de travail est la norme chez les développeurs. En effet à peu près 50% des développeurs, qui ont répondu au sondage, ont changé de travail depuis moins de 2 ans.
Les développeurs se disent sensibles au télétravail comme critère de choix d’une entreprise. En effet “Pouvoir travailler en télétravail” a été choisi comme critère par 31.7% des sondés dans l’étude StackOverflow. En annexe 3, vous trouverez également une illustration montrant que le télétravail est devenu quelque chose d’important pour recruter des développeurs.
D'après le livre “Manager le télétravail et le travail à distance” de Daniel Ollivier, c’est la précarisation des statuts, l’explosion du numérique et l’aspiration à l’entreprenariat chez la génération Y qui a fait se développer fortement le marché des indépendants ces dernières années. La France compte 24 millions de salariés et près de 3 millions d’entre eux exercent une activité non salariée d'après Ollivier. Ceci représente 12% de l’ensemble : c’est une statistique assez proche des chiffres chez les développeurs freelance dans le monde (9.8%) annoncée via l'enquête de StackOverflow.
On y retrouve d'après Ollivier les mêmes motivations que pour les travailleurs en télétravail du sondage Malakoff-Médéric-Humanis, à savoir: une meilleure qualité de vie, une plus grande liberté d’action plutôt que l'appât du gain.
Les nouvelles générations, d'après Ollivier, manifestent un intérêt limité pour le CDI, ce qui était pourtant la norme pour les générations précédentes. Ainsi des plateformes comme hopwork (maintenant appelé “malt”[10]) permettent de trouver des développeurs freelance facilement et jouent le rôle d’intermédiaires de confiance. Les entreprises peuvent contacter les développeurs référencés pour leur proposer des “missions”. Ces missions peuvent durer quelques heures ou quelques jours mais les développeurs indépendants peuvent également finir par être “placés” dans un service pendant quelques années.
Les SSII[11] font partie des fournisseurs importants des entreprises d’aujourd’hui; Elles “placent” leur développeurs dans des entreprises avec un TJM[12] leur permettant de payer le salarié et de prendre une commission souvent confortable. Nombreux sont maintenant les développeurs qui préfèrent passer indépendants et se vendre directement au client. N’ayant que très peu de charges de structures, ils peuvent avoir “dans leur poche” une bien meilleure part du gâteau. Les développeurs juniors vont donc naturellement en SSII à la sortie d’école, cela leur permet d’acquérir de l’expérience (un peu comme un expert comptable irait dans une entreprise comme KPMG pour faire de l’audit à sa sortie d’école pour gagner en expérience) puis quand ils sont suffisamment expérimentés pour être autonomes sur un projet, ils peuvent facilement trouver du travail en tant qu’indépendants s’ils le souhaitent. Essayons maintenant de comprendre quel est l'intérêt du télétravail pour le développeur et pour l’entreprise.
Pour une entreprise, la difficulté de recrutement des développeurs augmente si on diminue la zone géographique de recrutement et si on multiplie les acteurs ayant les mêmes besoins qu’eux.
Le Nord-Pas-de-Calais a donné le jour aux pionniers de la VAD : La Redoute, 3 Suisses, Damart…C’est également ici qu'ont vu le jour certains géants du retail, comme Auchan, Décathlon, Leroy Merlin, Boulanger ou Norauto qui ont dû aussi prendre ce virage technologique et recruter en conséquence. Tous ces sièges sociaux de la région recherchent donc des développeurs pour travailler chez eux. La demande dans le numérique est énorme sur la région Lilloise.
La technologie sur laquelle nous travaillons, “Magento”, est la plateforme e-commerce open source numéro 1 en France. Elle est utilisée par de nombreuses entreprises, qui ont leur siège dans la région, parmi lesquelles : Top Office, Rouge Gorge, Damart, Decathlon, Bricoman, Willemse, Bonduelle, et bien d’autres… La concurrence pour recruter des profils magento est donc rude. Les critères de différenciation sont principalement : l’environnement technologique du projet, l’équipe dans laquelle le développeur va s’intégrer (si elle est expérimentée ou non, si il y a une bonne ambiance), la vision et l’utilité réelle du projet et bien sûr le salaire ou le tarif journalier pour les indépendants.
Le télétravail, en plus d'être un argument de recrutement pour les développeurs, permet d’augmenter la zone de recherche pour le recrutement. En effet, recruter un développeur en télétravail permet de recruter dans une autre région, un autre pays ou même un autre continent. Savoir organiser son équipe en télétravail est donc un atout stratégique important pour une entreprise du e-commerce. Cela lui permettra de ne pas tomber à cours de ressources. De plus, une équipe qui serait internationale pourrait avoir une couverture horaire 24h/24 et permettrait d’intervenir en cas de soucis sur un site internet sans posséder de service d’astreinte (qui coûte plus cher).
D'après une étude sur le télétravail réalisée fin 2018 par Malakoff-Médéric-Humanis (sur 604 salariés), 92% des télétravailleurs travaillent depuis leur domicile et parmi eux 77% sont satisfaits ou très satisfaits de cette situation. Leurs motivations principales sont :
Nous voyons donc bien l’utilité du télétravail dans une équipe de développement, que ce soit pour le salarié/le prestataire ou pour l’entreprise. Les deux y trouveront des bénéfices. Mais le télétravail n’est pas forcément full time ou à la maison. Tout n’est pas si facile à mettre en place. Nous le verrons par la suite dans ce mémoire : la progressivité s’impose.